Le rap du misanthrope
Quelle: Spotify
Le rap, c'est très ancien. Très ancien, le rap.
Rap, rap, rap, le rap, le rap, le rap, la râpe
C'est aussi ancien que le fromage, la râpe, hein ?
Râpe, râpe, râpe le parmesan, parles-en autour de toi
Râpe, râpe, râpe le gouda, si t'en as le goût, pourquoi pas ?
Râpe, râpe, râpe le chester, ce n'est pas beaucoup plus cher
Râpe, râpe, râpe le roquefort, c'est encore beaucoup plus fort !
Très ancien, le rap, très ancien !
Depuis qu'il y a des enfants, il y a des contines, mais les contines, c'est du rap.
"Pinpin Nicaille, roi des papillons, han !
En s' faisant la barbe s'est coupé l' menton, han !
Un, deux, trois de bois, un !
Quatre, cinq, six de bise, hisse !
Dix, onze, douze de bouse, ouzz !
Va-t-en à Toulouse, houin !"
Du rap !
Du rap, vous savez. Beaucoup de gens l'ignorent.
Il y a encore beaucoup d'ignares, hein !
Quand l' soleil se couche, y a bramin des biesses à l'omb', hein (*).
Eh bien, il y a beaucoup de gens qui l'ignorent mais, du temps de Louis XIV, y avait déjà un rapeur extraordinaire.
Il avait un nom de chaussure. Comment il s'appelait encore ? Il avait un nom de chaussure. Il s'appelait pas Godasse ? Mocassin ?
Oh mais, y a des gens cultivés dans la salle ! Ça me fait plaisir ! Molière, mais oui, comment n'y ai-je pas pensé plus tôt ?
Eh bien, Molière, c'était... il faisait des raps extraordinaires !
En alexandrins, en vers de douze pieds.
Il a fait le rap de Scapin, le rap des femmes savantes, le rap du misanthrope.
Le rap du misanthrope :
Qu'est-ce donc ? Qu'avez-vous ?
Laissez-moi, je vous prie
Mais enfin, dites-moi, quelle bizarrerie !
Laissez-moi là, vous dis-je et courez vous cacher
Mais on entend les gens, au moins, sans se fâcher
Moi, je veux me fâcher et ne veux point entendre
Dans vos brusques chagrins je ne puis vous comprendre
Et quoique ami enfin, je suis tout des premiers
Moi, votre ami, rayez cela de vos papiers !
J'ai fait jusques ici profession de l'être
Mais après ce qu'en vous je viens de voir paraître
Je vous déclare net que je ne le suis plus
Et ne veux nulle place en des cœurs corrompus
Je suis donc bien coupable, Alceste, à votre compte ?
Allez, vous devriez mourir de pure honte
Une telle action ne saurait s'excuser
Et tout homme d'honneur s'en doit scandaliser
Je vous vois accabler un homme de caresses
Et témoigner pour lui les dernières tendresses
De protestations, d'offres et de serments
Vous chargez la fureur de vos embrassements
Et quand je vous demande après quel est cet homme
À peine pouvez-vous dire comme il se nomme
Votre chaleur pour lui tombe en vous séparant
Et vous me le traitez, à moi, d'indifférent
Morbleu ! C'est une chose indigne, lâche, infâme
De s'abaisser ainsi jusqu'à trahir son âme !
Et si, par un malheur, j'en avais fait autant
Je m'irais, de regret, pendre tout à l'instant !
(*) wallon : il y a beaucoup de bêtes à l'ombre
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